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© photo : AFL

Les recettes de la transhumance, les cas togolais et béninois

La transhumance est mal vue par bon nombres de pays de la sous-région ouest africaine. Malgré qu’elle soit une véritable source de revenus et de développement. En témoigne certains acteurs de la société civile et décideurs politiques en marge de cette 6ème Rencontre régionale de haut niveau pour une transhumance transfrontalière apaisée entre le Sahel et les pays côtiers.  

Échanges à bâtons rompus avec quelques uns des acteurs présents à Accra. 

Pour Alidou Alhassani (Président de la Fédération des Professionnels de la Filière Bétail Viande du Togo) : « L’organisation du marché « Cinkassé » à la Frontière du Togo et du Burkina sert d’exemple typique à l’apport que la transhumance et le commerce de bétail peuvent être pour les communes. Avant que ma Fédération à travers le CNT, ne s’occupe de l’organisation de ce marché - géré par le chef de canton de la localité -, la Mairie ne percevait que 50 milles FCFA par an. Constatant le manque à gagner au niveau de la Mairie, nous avons pris les devants en dénonçant cela.  Ainsi la Mairie a résilié le contrat avec le chef de canton. Un an et demi après cette annulation, la Mairie avait encaissé près de 9 millions de FCFA. La population a immédiatement ressenti la contribution de la filière bétail dans le développement communal. Et, à côté de cela la Fédération des Professionnels de la Filière Bétail Viande ont également perçu 8 millions de FCFA. Ce qui lui permet d’intervenir dans le domaine socio-sanitaire et éducatif des femmes et des enfants, en construisant un bâtiment pour une école proche du marché. Avec ses 9 millions de recettes la Mairie, quant à elle, a pu prendre en charge des matrones de Cinkassé. »

Quels sont les secrets qui expliquent que la transhumance a pu s’imposer économiquement  au Togo ?

M.Alidou Alhassani : « Au Togo, les organisations d’éleveurs de base sont bien structurées. Il y avait, avant, trois organisations nationales, 5 organisations locales dans le domaine du commerce de bétail et 4 organisations de boucher. La gestion des marchés est devenue facile pour la Fédération avec l’aide de toutes ces organisations. A son tour le comité de gestion des marchés travaille en collaboration avec les communes pour une meilleure répartition des recettes. Aux points d’entrées des transhumants les taxes sont fixées par les Comités  Nationaux de Transhumance  à 5 milles FCFA par tête de bétail. Mais parfois, les taxes sont prélevées sur les marchés à bétail. Cela est possible grâce aux ateliers nationaux auxquels participe chaque président de comités préfectoraux détenteur de point d’entrée. À cette occasion on fait le bilan sur la période de transhumance au Togo, qui se déroule 31 janvier au 31 mai. »

 

M.Ibrahim Madougou membre de la CIGIA précise : « La réussite de la Convention des Inter Collectivités pour la Gestion des Infrastructure Agropastorales, est dû, dans la région des Savanes au nord Togo (Dapaong, Kpendjal et Cinkassé), à l’engagement « d’Acting For Life », partenaire de GEVAPAF qui a fait beaucoup d'investissements à travers des projets. »

A quoi sert exactement la CIGIA ?

M.Ibrahim Madougou : « Elle sert de cadre de concertation entre les collectivités dont l'objectif est de mutualiser les ressources pour gérer durablement les activités agropastorales dans l'espace. Sa mise en place a permis la réduction des conflits liés à la dévastation des champs à travers des séances de sensibilisation sur l'existence des couloirs de passage. Parlant de l’apport économique pour les communes, j’avoue que la capitalisation périodique des recettes dégagées par les marchés à bétail est la preuve palpable que la Transhumance et l'Agropastoralisme jouent un rôle important dans l'économie locale. » 

M.Alpha Tidiani Aboubacar, Président de l’Association Nationale des Organisations Professionnelles d’Eleveurs de Ruminants du Benin (ANOPER), Président Antenne RBM du Benin témoigne : « Quand les transhumants rentrent, vous trouvez tout au long des pistes empruntées, des marchés à bétail bien animés et des gens qui gagnent leur vie. Avec la vente des animaux, la transformation du lait en fromage qui profite aux femmes des communes traversées. Le foin est aussi une source de revenus. Comme au Togo, le transhumant paie une taxe de 5 milles francs CFA par tête de bœuf et de 1000 francs CFA par petit ruminant. Cela génère, pas moins de 40 millions pour la campagne 2018 -2019.  Avec cet argent l’état, à travers les mairies, réinvesti dans la construction de balises, de couloirs, de zones de repos (forages et   abreuvoirs), afin de faire en sorte qu’au retour des transhumants, ils réalisent que leur argent a été bien utilisé. Dans les marchés de bétail, tel celui de Gogounou, dans le département d’Alibori, les transhumants apportent beaucoup aux communes. Ce marché de type nouveau est autogéré et fait faire à la mairie, une recette de 600 000 FCFA par jour en période de Transhumance. Là-bas, la vente se fait directement entre vendeur et acheteur sans intermédiaire, mais avec un témoin. Le rôle du témoin est de suivre toutes les discussions entre vendeur et acheteur et de donner un reçu de vente dès que les deux s’entendent sur un prix. Avec cet achat la mairie et le marché gagnent chacun 1000 francs CFA. Les 1000F du marché paient les témoins, les secrétaires du marché, ainsi que son entretien quotidien. La mairie investit dans le développement local avec les 1000 francs FCFA qu’elle perçoit sur chaque vente. Parlant de la pérennisation et la stabilité, M. Alpha affirme que ces taxes permettent au marché à bétail de rester bien structurer. De juin en novembre le chiffre grimpe et le marché peut alors compter 800 à 1000 têtes par semaine. Le montant que la commune de Gogounou a enregistré pour la campagne 2018 – 2019 est de 78 millions. »

Le commerce du bétail sert toute la communauté ?

M. Alpha Tidiani Aboubacar : « A Gogounou le marché à Bétail emploi au moins 108 agents en plus des secrétaires et intermédiaires de marché.  Parmi ces 108 agents, 60 sont des élèves orphelins. Le marché paie leur frais de scolarité ainsi que leurs fournitures scolaires. Et mieux, Ils travaillent dans le même marché chaque vendredi conformément au programme de l’école. Chacun gagne 2500 francs FCFA chaque vendredi. Au total 18 écoles pour des villages peuls ont été ainsi créées. »

M. Wolou Wala Wale, représentant de la Transhumance au niveau du Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche, confirme : « Le marché à bétail de Gogounou est une illustration de l’apport de la transhumance sur les communes et son secret reste le système d’auto-gérance. »

M. Boureima Dodo, Secrétaire Permanent du Réseau Bilital Maroobe (RBM) l’a précisé également : « Le résultat des expériences Togolaise et Béninoise présentées lors de la 6eme Rencontre de haut niveau sont des exemples qui portent à croire que les acquis seront pérennisés. »

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Dognoumé Diarra

Journaliste - L'œil du Péon - Mali
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